« Joyeux bocal à poissons rouges » ou l’émergence d’une société de sousveillance

Le phénomène WikiLeaks me fait irrémédiablement penser à cette nouvelle de Isaac Asimov intitulée « Les cendres du passé » (The Dead Past) qui parle d’une technologie – le chronoscope – permettant à n’importe qui d’espionner n’importe qui partout dans le monde. Le gouvernement essaie par tous les moyens de garder cette technologie secrète, mais un petit groupe de rebelles finit par la rendre publique.

C’est alors que le représentant du gouvernement, Thaddeus Araman, tient ces propos « historiques » : « Joyeux bocal à poissons rouges à vous, à moi, à tous, et puisse chacun de vous brûler en enfer pour toujours. Arrestation annulée. »

Avec WikiLeaks, avec Internet, c’est bien à l’émergence d’une société de sousveillance à laquelle nous sommes en train d’assister. La sousveillance se distingue de la surveillance par le fait qu’elle permet à tous de voir les activités de chacun, alors que la surveillance est un « outil » réservé à un petit nombre pour observer les autres.

Si la sousveillance peut faire peur, réjouissons-nous au moins du fait que la sousveillance permet à ceux qui sont observés d’observer ceux qui observent…

Ceux qui surveillaient sont maintenant surveillés et, bien entendu, ne le supportent pas. Les agissements secrets sont révélés aux yeux de tous. Beaucoup de gouvernants de ce monde ne peuvent accepter cette transparence subite et font tout, absolument tout, pour préserver « l’ancien régime ». Il est possible, pourtant, que leurs efforts soient vains. Peut-être réussiront-ils à arrêter les révélations de WikiLeaks. Mais il y aura sans doute, plus tard, ailleurs, d’autres WikiLeaks qui naîtront et continueront, sans relâche, l’action engagée.

Ce qui est en train de se passer avec WikiLeaks n’est qu’un des signes avant-coureurs, parmi beaucoup d’autres, du bouleversement apporté par Internet. Le passé est en cendres. La technologie – Internet – change tout. Absolument tout. Nos référents socio-culturels sont sur le point d’être renversés. Nos systèmes politiques sont-ils dépassés ?

Car, contrairement à ce que peuvent déclarer tous les Prince Jean de cette terre, la forêt numérique de Sherwood n’est pas juste un repère de bandits et de criminels. C’est le lieu d’un nouvel ordre qu’ils ne peuvent pas comprendre et où ils n’ont, semble-t-il, pas leur place. Cette forêt-là, ils ne pourront pas la détruire. Les arbres, verts, porteurs d’espoirs, s’y multiplient à une vitesse incroyable. Et les oiseaux multicolores, toujours plus nombreux, y chantent leur joie et leur liberté.

Cette forêt va tout envahir et, bientôt, les fondements mêmes sur lesquels certains avaient construit leur pouvoir ne seront plus que des ruines.

N’entendez-vous pas le chant de la forêt numérique ?

Note : ce billet est largement inspiré du chapitre « Happy Goldfish Bowl to You, to Me, to Everyone » du livre de Ben Goertzel intitulé « A Cosmist Manifesto ». 

Mondes virtuels, sérendipité et créativité

La sérendipité est l’aptitude à « faire des trouvailles ».

A l’instant où j’écris ce billet, le niveau de sérendipité de mon avatar dans Entropia Universe s’établit à 3994, ce qui correspond à un rang considéré comme « professionnel » mais qui n’a rien d’exceptionnel. La sérendipité est une des nombreuses aptitudes, capacités et compétences qui conditionnent l’efficacité et les résultats des actions entreprises dans cet univers virtuel.

Ces différentes aptitudes mesurent la valeur de votre avatar. Ceci n’est pas simplement une façon de parler, car celles-ci s’achètent et se vendent. Par exemple, un « implant » élevant mon niveau de sérendipité de 3994 à 4202 me coûterait environ 10 EUR. Comme il existe plus d’une centaine d’aptitudes différentes, on comprend aisément que les avatars de Entropia Universe représentent des investissements non négligeables. Pourtant, on considérera comme virtuelle cette sérendipité, ainsi que toutes les autres capacités et compétences, car celle-ci est la seule propriété de l’avatar et elle ne donne pas une once de sérendipité réelle supplémentaire à son utilisateur. Encore que…

Mais les univers virtuels ont aussi la capacité de renforcer notre sérendipité « réelle » car ils sont, par essence, des espaces de découverte d’une richesse et d’une intensité bien supérieures au monde « réel », matériel, qui fait le lot de notre « vie ordinaire ». Dans Second Life, les paysages, les architectures, les expositions, les événements, les expérimentations, les communautés, les avatars peuvent constituer autant d’occasions de « trouvailles ». Toutes les cultures, tous les continents sont représentés, et même des continents qu’on chercherait en vain sur cette terre. L’air de Second Life est empli de sérendipité. En se téléportant d’île en île, on fait souvent des « découvertes inattendues ».

Sur un plan pratique, les univers virtuels, et Second Life en particulier, constituent des « lieux » privilégiés pour le travail collaboratif, ainsi que pour la mise en œuvre de processus créatifs du fait de la variété des environnements accessibles (par exemple, une réunion sur la plage, sur un nuage à 3 000 mètres d’altitude ou dans un espace totalement improbable), des modalités de communication disponibles (utilisation simultanée de la voix, du chat public et du chat privé), des possibilités de réalisations (impossibles ou trop coûteuses dans la « vie réelle ») et de la mise en situation particulière (à la troisième personne via des avatars) qui s’y opère.

Mondes virtuels : Vivaty intègre Twitter

Il est désormais possible d’ajouter une ou plusieurs « Twitter Bubbles » dans ses propres scènes Vivaty.  Celles-ci peuvent être facilement posées où on le souhaite et il suffit de saisir un identifiant Twitter pour que le dernier tweet correspondant s’affiche. La mise à jour se fait à chaque fois que l’on pénètre dans la scène.

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Vivaty indique qu’il s’agit d’une première version et prévoit à l’avenir des extensions de fonctionnalités, avec en particulier la possibilité de poster un tweet depuis l’environnement 3D.

Le facteur whuffie

J’ai enfin reçu, la semaine dernière, le livre de Tara Hunt attendu depuis longtemps, qui vient de paraître sous le titre « The Whuffie Factor« . A noter que le terme de whuffie est repris d’un très bon roman de Cory Doctorow publié en 2003 et intitulé « Down and Out in the Magic Kingdom » (une traduction française en est disponible sous le titre, peu réussi à mon goût, « Dans la dèche au royaume enchanté »). Bon, ce livre de Tara Hunt est très marketing 2.0, à commencer par la reprise du mot whuffie lui-même auquel elle donne une signification pour les entreprises qui est assez éloignée, sauf par analogie, de celle que lui a donné Doctorow en l’appliquant aux personnes… Pour des explications sur le whuffie, monnaie virtuelle basée sur la réputation, voir par exemple ici.

Quoi qu’il en soit, ce marketing du whuffie présenté par Tara Hunt est autrement plus sympathique que le marketing de guerre des années 1980, particulièrement haïssable ne serait-ce que dans sa désignation. Dans ce livre, il y a, à mon avis, plein de bonnes choses pour des managers d’entreprises, y compris pour les « plus grandes », avec des illustrations et des exemples pratiques qu’il est possible de mettre en œuvre dans beaucoup de projets, et pas seulement des projets 2.0. Le livre lui-même est structuré sur la base de cinq principes à appliquer par une entreprise qui veut développer son whuffie. Ces cinq principes sont les suivants :

–  retourner le porte-voix : arrêter de parler et commencer à écouter ;

–  être partie intégrante de la communauté que l’on sert ;

–  susciter des expériences clients stupéfiantes ;

–  embrasser le chaos ; et

–  trouver son objectif le plus élevé.

Parmi les exemples donnés, je retiens particulièrement celui de Zappos et de ses 10 valeurs essentielles :

– délivrer un service sensationnel ;

– adopter et conduire le changement ;

– provoquer de l’amusement et même un peu de bizarrerie ;

– avoir l’esprit d’aventure et d’ouverture ; être créatif;

– rechercher la croissance et favoriser la connaissance ;

– établir des relations ouvertes et honnêtes en termes de communication ;

– susciter un esprit de famille ;

– faire plus avec moins ;

– être passionné et déterminé ;

– être humble.

Aux personnes intéressées par ce sujet, je suggère à tout le moins de consulter le site www.thewhuffiefactor.com. Tara Hunt publie aussi son propre blog sous le nom de horse*pig*cow.

Minsh : un Twitter immersif, au sens propre

On sait qu’il est possible d’envoyer des messages sur Twitter depuis Second Life, et aussi de les lire. Mais les outils qui permettent cette approche « immersive » de Twitter ne sont, au fond, qu’une forme d’amusement.

Dans un tout autre registre, realXtend avait joué sur les mots en proposant « Beneath the Waves« , un monde virtuel doublement immersif, au sens figuré et au sens propre, où chaque avatar est représenté par un petit poisson.

Et voici que, dans cette lignée, Minsh nous concocte, non sans humour, un Twitter immersif… Jean-Marie Louche vient de signaler son lancement. L’innovation est originale même si le « monde virtuel » qui nous est proposé est, à ce stade, très rudimentaire. Chacun de nous est un baliste, c’est bien connu, et comme Twitter permet de lancer des flèches acérées…

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Une petite innovation de rupture, peut-être. En tous cas, après la vase un peu malodorante agitée par certains autour de Twitter, je trouve cela très rafraîchissant. A suivre.

Connaissez-vous le Facteur Whuffie ?

Le Whuffie est la monnaie virtuelle qui a cours dans le roman de Cory Doctorow publié en 2003 sous le titre « Down and Out in the Magic Kingdom ». Ce livre raconte un univers futur dans lequel les monnaies « traditionnelles » ont définitivement disparu et ont été remplacées par le Whuffie, qui mesure la réputation de chaque individu auprès de la communauté en fonction de ses actions positives et négatives.

Aujourd’hui, dans les communautés en ligne, on sait bien que l’argent n’est pas ce qui est le plus important. Ce qui vaut de l’or dans Second Life, ce ne sont pas les Linden Dollars mais les qualités humaines. Ce qui compte, c’est le Whuffie. C’est en partant de ce constat, et en le développant, que Tara Hunt a écrit un livre à paraître bientôt sous le titre « The Whuffie Factor » et  qui explique comment une entreprise peut s’appuyer sur les communautés pour augmenter son Whuffie, son capital social, qui est la monnaie du monde numérique. Plus d’informations : ici.

Par-delà le livre, le Facteur Whuffie est aussi une Poupée Wiki « qui réfléchit sur l’avenir des nouvelles énergies sociales et guerres psychologiques amusantes qui émergeront dans les sites dits sociaux ». Pour l’instant, dans son escarcelle, il y a juste quelques Twollars, un peu d’ExploraCoeurs et deux ou trois autres choses.

Nous n’oublions pas « qu’il suffit de créer des noms nouveaux, des estimations et des probabilités nouvelles pour créer à la longue des ‘choses’ nouvelles ». Voici peut-être venu le temps de « La Gaya Scienza ».

L’Ecu, l’Euro et le Twollar

Les monnaies anciennes étaient couvertes de symboles de valeur « spirituelle », et les métaux précieux (or, argent) des pièces leur conféraient une valeur quasiment « immuable ». En France, Philippe Le Bel a, le premier, commencé à manipuler le cours de la monnaie, en frappant des pièces avec une certaine tolérance en argent et en pratiquant des « mutations » (dévaluations) qui affectèrent les prix.

De nos jours, les consommateurs partent généralement du principe que les prix sont raisonnables s’ils sont « conformes » au marché. Il y aurait donc une entité « supérieure », décidant de la valeur des choses, qui s’appellerait le « marché ». En réalité, on sait très bien que, du fait d’un petit nombre d’acteurs, les distorsions sur les prix sont au contraire la règle. Certaines pratiques sont illégales, comme la fraude, le « dumping » ou les ententes sur les prix, mais beaucoup sont parfaitement autorisées, comme la production contrôlée, la tarification différenciée ou les subventions gouvernementales. Les spéculateurs ne sont pas en reste. Les banques centrales ne font elles-mêmes rien d’autre que de manipuler les marchés (dans ce cas, elles disent qu’elles les « régulent ») en fixant les taux d’intérêt, ce qui a pour effet de faire monter ou descendre les prix sur la plupart des secteurs de l’économie. Aujourd’hui, on se rend compte avec stupeur des désastres de cette économie de « marché ».

La monnaie a progressivement perdu toute garantie d’ordre supérieur (que cet ordre supérieur soit le roi, l’or ou le marché) et n’est plus désormais qu’une pure quantité à la dérive. Quand elle aura perdu toute raison d’être, même simplement pratique, elle devra sans doute disparaître sous sa forme actuelle…En effet, nous avons tous vu dans Star Trek qu’il n’y aura pas besoin de monnaie dans le futur 🙂

C’est dans ce contexte de crise qu’apparaît le Twollar. Cette monnaie virtuelle est d’abord destinée à exprimer sa reconnaissance de façon symbolique, et est donc à considérer comme une tentative pour redonner à la monnaie sa « vraie » valeur, celle qui repose avant tout sur les qualités humaines. « Les Twollars sont un nouveau type de monnaie qui récompense votre valeur sociale pour ce qu’elle apporte aux autres, et votre bonne réputation au sein de votre communauté. Un Twollar est une façon de convertir vos ‘bonnes actions’, vos connaissances, votre énergie, votre générosité en une unité symbolique et standard, qui peut être échangée avec les autres. » Des FAQ très bien faits expliquent dans le détail ce qu’est le Twollar et comment s’en servir pratiquement. Pour approfondir la question au plan « théorique », je conseille également la lecture de l’article de Marc Tirel sur le sujet.

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Participation depuis Second Life à la discussion sur le Twollar lors du Cantine Crisis Camp du 7 mars 2009

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Les mondes virtuels, tels que Second Life, sont un autre exemple de cette révolution dans les mécanismes d’échanges. C’est ainsi que des artistes ou des acteurs sociaux se voient offrir gratuitement du terrain et de l’assistance du fait même de leur qualités personnelles et du projet qu’ils portent. Ce qui vaut de l’or dans Second Life, ce ne sont pas les Linden Dollars mais les qualités humaines.

Le Twollar est peut-être aussi le signe avant-coureur de ce que Sasha Chislenko appelle « l’hypéréconomie » et Stephan Bugaj les « marchés socialement réactifs ». Les marchés socialement réactifs sont des marchés dans lesquels les valeurs de la société dans laquelle les transactions ont lieu sont prises en compte directement dans le prix des biens et des services. Dans ce type de marché, c’est la communauté dans son ensemble qui détermine les prix, et non plus seulement un petit nombre d’acteurs qui les manipulent.

Aujourd’hui, le Twollar ne constitue certes qu’un simple amusement pour un petit nombre d’utilisateurs de Twitter (moins de sept cents à l’instant où je publie ce billet). Mais cette innovation de rupture mérite sans doute qu’on s’y intéresse de près…

Virsona : un réseau social d’immortels

Virsona est un réseau social destiné (tout simplement) à ceux qui veulent atteindre l’immortalité numérique. Voici quelque chose de tout à fait approprié pour WangXiang, être numérique par excellence. Je me suis donc inscrit.

Virsona utilise des technologies propriétaires d’intelligence artificielle pour créer des agents conversationnels capables de simuler le dialogue de personne réelles (même après leur mort). Cette capacité est construite peu à peu grâce aux différentes informations stockées sur les souvenirs, le savoir et la personnalité d’une personne donnée. Il est aussi possible d’enseigner les bonnes réponses que son double numérique doit faire aux questions qui pourraient lui être posées.

A l’avenir, il faudra bien sûr coupler ces facultés à celles qu’offrent (offriront) les mondes virtuels pour reproduire également l’apparence « physique » et le comportement gestuel nécessaires à la « complète » reconstitution d’un double numérique – et atteindre enfin l’immortalité virtuelle tant attendue 😉

Myrl : un réseau social dédié aux mondes virtuels

Myrl (My Real Life, My Role Life) est un réseau social dédié à ceux qui sont présents dans les mondes virtuels comme Second Life, There, HiPiHi, Novoking, Twinity ou Vivaty. Daneel Ariantho en a parlé récemment. Comme Myrl est entré récemment en bêta public, je me suis inscrit. Cela permet en particulier de relier plusieurs avatars de mondes différents sous un identifiant Myrl unique. Je ne suis pas encore trop sûr de l’usage qui peut être fait de Myrl mais, si usage il y a, ceci apparaîtra avec le temps. Après tout, au début, on ne voyait pas trop non plus à quoi Twitter pouvait servir…

A propos: Myrl est aussi présent sur Twitter.