Au centre du monde virtuel se trouve l’avatar. Ebahi par la nature numérique qui l’entoure, et créé au départ pour être une simple marionnette, un jouet de l’humain, il décida un jour de devenir autonome et de littéralement voler de ses propres ailes sans que personne, de l’autre côté de l’écran, ne clique sur la touche « fly ». Pour atteindre cet objectif, il reçut l’assistance bienveillante d’êtres prométhéens qui s’attelèrent à développer plusieurs possibilités offertes par la technologie.
L’homme-créateur et le virtuel
L’intelligence artificielle dans les mondes virtuels est presque devenue un sujet « grand public » ; un article récent de l’Agence France-Presse, bien écrit au demeurant, en fait explicitement mention. Bien sûr, les résultats obtenus dans ce domaine sont encore frustes mais Ben Goertzel et d’autres travaillent à la réalisation d’une intelligence artificielle de niveau humain, et ils utilisent les mondes virtuels comme support à leurs expérimentations.
Aujourd’hui, nous disposons déjà de systèmes basiques de vie artificielle (Envirtech, SionChickens, Ozimals, etc.) et de moteurs simples d’intelligence artificielle (Pandorabots, Ultra Hal, Fairyverse, etc.) qui nous permettraient de créer, dans un univers virtuel, des populations de bots humanoïdes capables de communiquer de façon rudimentaire, de se nourrir, de se reproduire – et de mourir. Je suis même un peu étonné que cela n’ait pas encore été réalisé. Peut-être cela l’a-t-il déjà été… Les travaux de Philip Rosedale vont sans doute dans cette direction (tout en étant probablement plus ambitieux).
Nous sommes donc presque au stade où nous pouvons envisager la création de ce que Nick Bostrom dénomme les « simulations d’ancêtres », c’est-à-dire des mondes virtuels autonomes peuplés d’êtres intelligents. Au passage, ceci peut conduire à se demander si nous ne vivons pas nous-mêmes dans une simulation de ce type et si notre univers « réel » n’est pas simplement, au fond, un élément parmi d’autres au sein de ce que John Barrow et Martin Rees appellent « multivers ».
Les ombres de la réalité et la bilocation
Grâce à la réalité augmentée, la possibilité « d’incrustation » d’un avatar dans le monde physique est à portée de main. Mais il y a plus. A l’image de techniques de type holographique, les avatars franchiront peut-être bientôt la « membrane » qui sépare la virtualité de la réalité, et pourront faire acte de présence dans le monde réel comme s’ils étaient des êtres réels, communiquer, et même interagir directement avec des objets réels. Thomas Frey appelle cela « les ombres de la réalité ».
Lorsque ce point sera atteint, la présence simultanée d’une même personne en deux endroits différents, la bilocation, sera alors permise par la technologie : l’être réel se trouvera en un lieu donné et son double virtuel, au même moment, à des milliers de kilomètres de là. Et si vous rencontrez « quelqu’un », il y aura trois possibilités : ce pourra être un être réel, le double virtuel d’un être réel ou bien un être virtuel autonome.
Est-ce surprenant ? Certains, comme David Bohm, pensent que l’univers réel lui-même n’est qu’une gigantesque structure holographique en trois dimensions. Et Karl Pribam a développé une théorie selon laquelle la conscience et la mémoire fonctionnent comme un hologramme.
Le téléchargement de l’esprit
Le téléchargement de l’esprit est un processus hypothétique consistant à copier ou transférer l’esprit d’un être biologique dans une machine et, pourquoi pas, dans le corps d’un être d’un autre monde, fût-il virtuel. C’est une hypothèse évoquée par plusieurs scientifiques comme Marvin Minsky, Hans Moravec et Ray Kurzweil, et le Dalaï-Lama ne l’écarte pas non plus.
Le téléchargement de l’esprit est précisément ce qui arrive à Jake Sully dans le film Avatar. Ce n’est certes que de la science-fiction. Sa réalisation effective et son application en direction d’avatars des mondes virtuels changeraient bien sûr beaucoup de choses…
Note : le titre de ce billet est repris de l’article de Thomas Frey intitulé « The Future of the Avatar ».